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Hésiode l’Aède

jeudi 17 décembre 2015, par Marc Weikmans

  • Biographie
  • Hésiode et les Muses
  • Les Muses et l’épopée
  • Les oeuvres
  • Quelques citations célèbres

    Souvent, on effectue un amalgame en confondant Hésiode et Esope le Phrygien et pourtant, il a une nuance de taille : le premier est un aède (poète) et le second est un fabuliste. Toutefois, Hésiode dans Les travaux et les jours, écrit sous forme poétique des Vérités dont l’aspect pédagogique et moraliste s’apparente aux fables.

    Biographie

    Hésiode serait né à Ascra, un petit bourg de Béotie. Son père venait de Cumes en Éolie, contrée d’Asie Mineure située entre l’Ionie et la Troade. Nous ignorons son nom. La tradition lui donne celui de Dios, mais cela s’explique par une interprétation fautive du passage « Pérsê, dios génos » (Travaux, v. 299), comprise comme « Persès, fils de Dios » au lieu de « Persès, noble fils ». Il y possédait une petite entreprise de cabotage, qui le ruina. Il traversa donc la mer et se fixa à Ascra où il acheta un lopin de terre, au pied du mont Hélicon. Il y épousa Pycimède, avec qui il eut deux fils : Hésiode et Persès.

    Ascra était un endroit pauvre. Hésiode le décrit comme un « bourg maudit, méchant l’hiver, dur l’été, jamais agréable » (Travaux, v. 640). Au moment du partage de l’héritage de son père, il eut un grave différend avec son frère Persès, ce qui entraîna un procès. Les « rois » d’Ascra donnèrent raison à Persès. Celui-ci fit mal prospérer son bien et même périclita, ce qui le conduisit à quémander son frère, qui le repoussa. Furieux, Persès menaça Hésiode d’un autre procès, dont l’objet est inconnu.

    Pour amener son frère à la sagesse, à une saine vie et à une bonne gestion de ses biens, Hésiode composa à son intention le poème Les Travaux et les jours, ouvrage dont la partie didactique est axée autour de deux vérités morales : le travail est la grande loi de l’humanité ; celui qui travaille peut vivre décemment. Cet ouvrage fut écrit dans un contexte de crise agraire et de vagues de colonisation des Grecs à la recherche de nouvelles terres. Hésiode espérait résoudre le différend à l’amiable ; nous ignorons s’il réussit ou non.

    Parallèlement à ses activités agraires, Hésiode était un aède, c’est-à-dire un barde composant ses poèmes pour un auditoire. À Chalcis en Eubée, il participa au concours de poésie organisé par les fils du roi Amphidamas pour célébrer les funérailles de leur père. Il remporta la victoire grâce à un poème célébrant l’agriculture et la paix, et reçut un trépied en récompense. Il le dédia alors aux Muses de l’Hélicon.

    Il mourut à Ascra. Quand le village fut détruit par les Thespiens, ses habitants se réfugièrent à Orchomène. Aristote témoigne dans sa Constitution d’Orchomène que, suite à un oracle, les habitants de la cité recueillirent les cendres du poète et les placèrent au centre de leur agora, aux côtés du tombeau de Minyas, héros éponyme de la cité. De la sorte, les habitants firent d’Hésiode leur fondateur (oikistês).

    Hésiode s’est peint lui-même dans ses ouvrages comme partisan d’une existence sédentaire, observateur de la tempérance et de la justice, religieux jusqu’à la superstition, n’ambitionnant point la faveur des rois et se contentant de se rendre utile à ses concitoyens, à qui il prêchait la morale avec de beaux vers. Il est le créateur de la poésie didactique. Après sa mort, des statues furent érigées à Thespies, à Olympie ou encore sur l’Hélicon. Ses poèmes, chantés par les rhapsodes, devinrent très populaires et acquirent une grande renommée.

    Hésiode a inspiré de nombreux poètes, parmi lesquels Virgile (dans ses Géorgiques), Caton l’Ancien (dans son De agri cultura) et Lucrèce.

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    Hésiode et les muses

    Dès leur naissance, elles vont vers l’Olympe et chantent le triomphe de Zeus ; leur chant, organisé autour de l’histoire des dieux, éveille la vocation d’Hésiode au pied de l’Hélicon. Ces deux massifs montagneux sont associés aux Muses, ce qui explique la présence fréquente d’un décor rocheux dans les représentations figurées. En permettant cette vocation, les Muses transforment le poète en voyant d’un genre particulier. Voici comment elles s’adressent à lui : "Pâtres gîtés aux champs, tristes opprobres de la terre qui n’êtes rien que ventres ! Nous savons conter des mensonges tout pareils aux réalités ; mais nous savons aussi, lorsque nous le voulons, proclamer des vérités."

    D’après certains commentateurs, Hésiode pourrait reprendre ici un vers de l’Odyssée, qui dépeint la force persuasive d’Ulysse : "Tous ces mensonges, il leur donnait l’apparence de vérités." L’allusion possible à l’épopée homérique lui permettrait de se démarquer des propos mensongers d’Ulysse en affirmant le caractère sacré et véridique de sa propre poésie, qui n’est plus seulement humaine, mais divine, car inspirée. Hésiode ne naît donc pas poète, mais plutôt berger : pour devenir poète, encore faut-il être élu par les Muses et recevoir leur éducation.

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    Les Muses et l’épopée

    Par ailleurs, si le nombre de Muses est variable selon les témoignages, chacune semble avoir un rôle relativement bien établi. Quatre Muses veillent à l’évolution de l’épopée et du chant, marquant la primauté de la musique dans l’univers. Calliope, mère du poète Orphée, épouse d’Apollon, préside à la poésie épique ; on la représente souvent entourée de l’Iliade et de l’Odyssée. C’est elle qui est le plus souvent citée par les poètes. Muse de l’histoire, Clio chante la gloire des guerriers et la renommée d’un peuple, à l’aide de la trompette ou de la cithare. La lyre, instrument le plus fréquemment cité chez Homère, accompagne Érato, la Muse de la poésie lyrique. Lyre encore, mais aussi cithare et trompette, autant d’instruments qui entourent Euterpe, déesse de la musique.

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    Les œuvres d’Hésiode

    La première édition ancienne que nous ayons conservée par les papyrus n’attribue à Hésiode que trois œuvres.

    La Théogonie (Theogonía) : généalogie des dieux, dans laquelle il présente la multitude des dieux célébrés par les mythes grecs où trois générations divines se succèdent : celle d’Ouranos, celle de Cronos, celle de Zeus qui sort triomphant. À cette généalogie divine s’ajoute une cosmogonie qui retrace la création du monde à partir du Chaos. Cet ouvrage constitue le plus ancien poème religieux grec.
    Les Travaux et les Jours (Erga kaì Hêmérai) : Hésiode raconte l’histoire de Prométhée et de Pandore, les cinq races successives de l’humanité (or, argent, bronze, race des héros puis fer), la fable du faucon et du rossignol (le faucon représentant le roi, et le rossignol le poète) et enfin la vision de deux cités, celle de la justice, Díkê et la cité opposée, Hýbris, la démesure). Il donne une description des travaux agricoles sur les terres arides de son pays natal et il se présente comme un calendrier précis de l’année d’un agriculteur en incluant des conseils sur l’agriculture : outils, soins des animaux, cultures, etc. Une section décrivant la rigueur de l’hiver dans les montagnes de Grèce est particulièrement remarquable. Il termine le récit en prédisant qu’à la fin, l’homme de la justice devient riche, tandis que celui de la démesure perd tout. Hésiode est le prophète de la race de fer, qu’il fait succéder à la race des Héros.
    Le Bouclier d’Héraclès (Aspìs Hêrakléous), inspiré de la description du bouclier d’Achille dans l’Iliade.

    Cependant, les Anciens lui ont également attribué une multitude d’autres œuvres, de manière plus ou moins fantaisiste, parmi lesquelles :

    Le Catalogue des femmes ou les Éhées (Ê hoiai, « ou telle femme... », formule de transition classique dans une narration), dont sont tirés les 54 premiers vers du Bouclier ;
    Les Grands Travaux et les Grandes Éhées, dont le rapport avec les Travaux et les Éhées reste incertain ;
    L’Ornithomantie, la Mélampodie (sur les devins Mélampous, Calchas et Tirésias), Explications de prodiges, Astronomie, des poèmes sur l’art de la divination ;
    Les Leçons de Chiron, un poème didactique ;
    Les Dactyles de l’Ida, sur les premiers métallurgistes ;
    Les Noces de Céyx ;
    La Descente aux Enfers de Pirithoos ;
    Aigimios, épopée sur un roi dorien.

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    Quelques citations célèbres

    « La route qui mène à la misère est plane. » (Travaux, v. 287)
    « Gain mal acquis vaut un désastre. » (Travaux, v. 352)
    « Qui se fie à une femme se fie aux voleurs. » (Travaux, v. 375)
    « Ne remets rien au lendemain ni au surlendemain. » (Travaux, v. 410)

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